Prédications

Prédication - Culte du 05/01/2025 (prédicateur Pasteur Lendo MAKUNGA)

 

 

Textes : Esaïe 60 :1-6 ; Ephésiens 3 :2-6 ; Matthieu 2 :1-12

 

Depuis quelques jours nous sommes entrés dans une nouvelle année. Bien que la situation internationale et nationale et, peut-être personnelle ou familiale, n’inspire pas l’optimisme pour beaucoup, c’est néanmoins dans la confiance et l’espérance que la fête de l’Epiphanie nous invite à vivre cette année 2025. Le récit des mages venus à Bethléem pour adorer l’Enfant de la crèche et déposer à ses pieds leurs cadeaux a quelque chose à nous dire encore aujourd’hui. Ils n’étaient ni rois, ni trois et n’avaient pas de noms. Ce sont les trois cadeaux qu’ils ont apportés, l’or, l’encens et la myrrhe qui nous intéressent ce matin. Ils symbolisent trois formes de réalités humaines ainsi déposées aux pieds de Jésus.

 

D’abord l’or. L’or, comme chacun, chacune le sait, est un métal précieux. L’or est bien cette valeur qui se partage et se donne rarement. On apprécie les bijoux en or. L’or est utilisé comme récompense suprême au cinéma et dans les sports. On parle de lion d’or au cinéma, de médaille d’or à l’athlétisme, de ballon d’or, de soulier d’or au football… L’or est coté en bourse. C’est une valeur refuge, faisant partie des réserves monétaires de chaque banque centrale, et qui suscite l’attrait des épargnants quand une crise ou une période troublée est en vue. Beaucoup de pays ont des réserves d’or mais sans que leur sous-sol contienne de l’or. Cet or vient donc quelque part, mais à quel prix ? L’or est le symbole de la richesse et l’instrument du pouvoir. Le pouvoir, c’est ce qui est si souvent convoité et toujours recherché. Il y a le pouvoir des puissants de ce monde, mais il y a aussi le pouvoir des forts sur les faibles, le pouvoir de l’arrogance, le pouvoir de la beauté, le pouvoir du savoir… L’or est une valeur qui, aujourd’hui comme hier, est souvent au service d’une forme de domination, source de bien des convoitises, des corruptions et des perversions, source de biens des conflits et des guerres… Les humains sont capables de tout pour l’obtenir, en sacrifiant parfois la vie des autres. L’argent mène le monde, l’or mène le monde, l’économie prime sur l’humain et sur les droits de l’Homme. L’or n’a pas simplement une valeur marchande, il peut être aussi prix de la trahison. On peut parler de l’or de la mort.

 

Dans l’Antiquité, l’or est le cadeau qu’on donne aux rois. C’est un signe de royauté. En déposant l’or aux pieds de Jésus, les mages reconnaissent la fonction royale de Jésus. Jésus est reconnu comme Roi. Puisse ce rappel de la fête de l’Epiphanie nous permettre de reconsidérer Jésus comme Roi des rois et Maître de nos vies ! En déposant l’or aux pieds de cet Enfant démuni, faible, fragile, impuissant, les mages annoncent déjà que Jésus sera Celui qui jettera bas tous les pouvoirs, toutes les dominations, toutes les richesses factices, par la force de son humilité, de son obéissance et de son service. En déposant cet or, toutes les puissances sont remises à l’Enfant Jésus pour que désormais il les convertisse et les transforme. L’être humain qui est à la recherche incessante de la richesse, du pouvoir, de la puissance, du profit, du rendement, est invité par les mages à venir déposer là aux pieds de cet Enfant ce fardeau. Car ce sont bien là les présents offerts à Jésus : de vrais fardeaux, des boulets aux pieds de l’humanité, des esclavages.

 

Après l’or, vient l’encens. Si l’or est le symbole de la richesse et du pouvoir, l’encens est, à son tour, symbole de religion, ou plutôt de religiosité. L’encens est une résine parfumée, brûlée en l’honneur de Dieu. Il est donc utilisé pour le culte. N’est-ce pas étonnant que ce soit des païens qui viennent livrer la religion aux mains de Jésus ? Non, ce n’est pas si étonnant, au fond : cela signifie que l’être humain ne peut se passer de religiosité, de spiritualité, même s’il se passe de religion. Il n’y a qu’à voir aujourd’hui le nombre des personnes en quête d’une forme de spiritualité, et qui pourtant ne fréquentent pas les lieux traditionnels de la religion. À l’époque même où les églises et les temples se vident, on n’a jamais vu se développer autant de religiosité : on ne compte plus les voyants, les astrologues, les marabouts, les tireurs des cartes, les prophètes des tous bords, celles et ceux qui sont attirés par l’ésotérisme, les parapsychologues, soit-disant spécialistes des communications avec l’au-delà, avec les morts… Chaque journal, chaque revue a son horoscope. Voilà un des aspects de cette religiosité qui devient souvent esclavage et oppression, soumission à des puissances et des pouvoirs qui manipulent. Et puis, il y a aussi les extrémistes, les fous de Dieu, les intégristes de tous bords, les exaltés et les illuminés, souvent bien plus dangereux encore quand ils disent agir au nom de Dieu. D’ailleurs, dans l’Évangile, Jésus va réserver ses attaques les plus vives contre les tenants d’une religion excessive et mal comprise ; il va dévoiler tous les travers et tous les esclavages de la religiosité. C’est peut-être un paradoxe, mais le Christ nous met en garde contre ce danger qui menace notre foi, le plus grand des dangers finalement, c’est-à-dire une foi qui se suffirait à elle seule, et qui ne serait plus au service du Dieu de Jésus-Christ et au service des humains, mais qui se servirait d’eux.

 

Alors, en déposant l’encens aux pieds de Jésus, les mages reconnaissent la fonction sacerdotale de Jésus. Jésus est reconnu comme prêtre. L’épître aux Hébreux dira le Grand-prêtre. En déposant l’encens aux pieds de Jésus, c’est la religion et la religiosité que les mages ont désormais livré aux mains de cet Enfant. Ce sont précisément des savants astrologues et païens qui viennent remettre à Jésus leurs croyances. C’est pour nous dire que toute croyance pervertie et toute superstition doivent désormais être déposées aux mains de Jésus pour qu’il nous en libère dès aujourd’hui.

Après l’or et l’encens, voici enfin la myrrhe. La myrrhe est une résine odorante qui servait à préparer le corps à l’embaumement, et qui servait à soigner les blessures. Mélangée au vin, la myrrhe était le breuvage donné aux suppliciés. La myrrhe est donc le symbole du service, de la souffrance et de la mort de Jésus sur la croix. Voilà ce troisième cadeau déposé aux pieds de Jésus, celui de la souffrance et de la mort. Il est vrai que la souffrance et la mort ne vont pas nous être épargnés, mais désormais nous savons que nous ne serons plus seuls à les supporter. Désormais, il existe une voie de consolation et d’apaisement. L’humanité peut s’avancer avec les mages jusqu’aux pieds de Jésus, pour lui remettre toutes les souffrances du monde : souffrances personnelles, familiales et collectives. Désormais les victimes des guerres, des conflits, des affrontements, des catastrophes et toutes celles et tous ceux qui sont atteints par la maladie, le deuil… peuvent s’avancer vers ce roi sans pouvoir ni puissance, pour déposer à ses pieds tout le poids d’un fardeau qui devient impossible à porter. L’être humain est invité à s’avancer et à déposer là sa souffrance pour que Jésus l’en décharge. Jésus dira : « Venez à moi vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai le repos » (Matthieu 11.28).

En déposant la myrrhe aux pieds de Jésus, les mages reconnaissent la fonction prophétique de Jésus. Jésus est reconnu comme prophète. La myrrhe est à la fois symbole de mort parce qu’elle servait à embaumer les défunts, et symbole de vie parce qu’elle soignait les blessures. En début d’année, quel vœu le plus précieux pourrions-nous formuler que celui d’une humanité toute entière en marche et qui vienne déposer aux pieds de Jésus toutes les richesses, tous les pouvoirs, toutes les puissances, toutes les dominations, toutes les oppressions, toutes les injustices, toutes les quêtes religieuses ou spirituelles, toutes les souffrances et tous les deuils ? Libérés de tous ces fardeaux, l’humanité en marche pourrait repartir, comme les mages, d’un pas plus léger, déchargée, et par un autre chemin, pour une autre vie, une nouvelle vie… un autre parcours pour un autre avenir.

Pour terminer. En suivant le chemin des mages vers la crèche, en ce jour de l’Epiphanie, nous pouvons nous aussi nous laisser guider par l’étoile de l’Évangile vers Celui qui est le but ultime de toutes nos quêtes : Jésus-Christ. Les mages considèrent Jésus comme le Messie parce qu’il réunit en lui les trois fonctions du Messie : fonction royale, sacerdotale et prophétique. Mais le Christ nous invite à renoncer à l’or des richesses qui opprime, à l’encens de la gloire et du paraître et à la myrrhe des vanités de ce monde. Cela peut paraître absurde dans notre société et dans notre monde. Mais les mages ont accompli ce geste de renoncement. Ils ont renoncé au pouvoir, à la puissance et à la gloire, parce que c’est à Dieu seul qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire. Il nous invite à renoncer aux faux semblants des ambitions qui oppriment, aux broutilles des honneurs, pour entrer dans une vie simple et plus authentique, dans une vie plus vraie que les chimères de notre société et de notre monde. Dieu nous appelle à renoncer à toutes les vanités de ce monde, à tout ce qui encombre notre vie.

 

Il nous invite aussi à déposer aux pieds de l’Enfant de Bethléem nos blessures, nos doutes, notre misère et nos souffrances, parce qu’ils sont trop lourds à porter. Nous savons désormais que quelqu’un les porte. Nous avons également à nous poser cette question au début de cette nouvelle année : quels cadeaux puis-je offrir au Seigneur à cette période de ma vie ? Y-a-t-il quelque chose que j’ai continuellement gardé pour moi et que je peux maintenant déposer devant lui ? Y-a-t-il quelque chose auquel je m’accroche que je peux lui offrir, comme l’or des mages ? Y-a-t-il un temps de prière que je peux lui offrir plus fidèlement, comme l’encens des mages ? Y-a-t-il un remède que je peux appliquer sur les blessures et les souffrances humaines qui m’entourent, comme la myrrhe des mages ? Bonne année à toutes et tous dans la confiance et l’espérance pour cette nouvelle année 2025 ! Amen.

 

 

Prédication - Culte du 07/01/2024 (Prédicateur Pierre GARDIER)

Mes chers frères et sœurs, c’est avec beaucoup de plaisir que je vous retrouve en ce premier culte de l’année, un honneur qui va me permettre de vous souhaiter une excellente année 2024, même si, comme j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire le décompte des années que nous faisons dans notre calendrier est très probablement erroné, puisqu’il suit la datation de la naissance de Jésus fixée par un moine du Moyen-Âge (Denys le petit) qui s’est trompé de quelques années. En effet, le roi Hérode est mort, d’après les historiens en 4 avant Jésus-Christ, alors que notre évangile de ce jour nous explique que Jésus le Christ (ALLGDLSDS) est né du vivant du roi Hérode… Pour des raisons à la fois historiques, biographiques et astronomiques les spécialistes retiennent plutôt aujourd’hui une date vers l’an – 6 pour la naissance de Jésus (Nous serions donc plutôt en 2030). Qu’importe, cela ne m’empêchera pas de souhaiter une excellente année à chacun et chacune d’entre vous ainsi qu’à notre paroisse et à notre Église !

Situation des 3 lectures du jour :

Trois textes nous ont été lus par Claudie tout à l’heure : le premier tiré du prophète Ésaïe dans l’Ancien testament et les deux autres tirés du Nouveau testament : un fragment de la lettre de Paul aux Éphésiens, et un passage de l’évangile de Matthieu. Ce sont des textes très différents par leur style, leur époque et leurs intentions qui nous sont ici proposés ensemble. Le premier texte tiré d’Ésaïe appartient au genre prophétique : le livre d’Ésaïe est le plus long des livres des prophètes contenus dans la Bible. Les spécialistes considèrent qu’il compile, en réalité trois auteurs différents qui se succèdent sur trois siècles (du 8ème au 5ème siècle avant J.-C.). Dans la première partie, le prophète Ésaïe avertit le roi et le peuple du risque que Jérusalem ne subisse le même sort que le royaume du Nord qui a été conquis et détruit et appelle au retour à Dieu, dans une deuxième partie un autre prophète tâche au contraire de rendre courage au peuple qui a été exilé à Babylone, et, dans une troisième partie, (celle dont est tiré notre texte), l’auteur dépeint un avenir brillant à Israël dont le peuple est revenu s’installer à Jérusalem. Dans cette annonce de la lumière qui vient, les chrétiens voient également une anticipation de la venue du Christ (défini comme « la lumière du monde », Jn 9, 5) et la mention de l’or et de l’encens apportés par des étrangers évoque les cadeaux des rois mages à l’enfant Jésus. C’est précisément cet hommage rendu à l’enfant qui vient de naître par des mages venus d’Orient (qui étaient probablement versés dans l’astronomie ou l’astrologie puisqu’ils disent avoir été guidés par une étoile) que nous relate Matthieu au début de son deuxième chapitre. Comme ces savants ou ces sages (appelés « mages ») sont étrangers et viennent de loin, on comprend qu’ils ne sont pas Juifs. S’ils ont été avertis de la naissance de Jésus c’est que la venue du Christ est un événement de portée universelle qui ne concerne pas seulement Israël et c’est ce sur quoi insiste l’auteur de l’épître aux Éphésiens (qui n’est probablement pas Paul lui-même, mais un de ses disciples qui se réclame de lui) en nous rappelant que « les païens sont cohéritiers, forment un même corps et participent à la même promesse par Jésus-Christ en l’évangile. »

Maintenant que nous avons identifié ce qui unit ces trois textes replongeons nous quelques instants dans cette période de fête que nous sommes sur le point de quitter : une période particulièrement marquée par les traditions et les symboles. Parmi ces coutumes, deux sont particulièrement répandues : celle d’installer une crèche et celle de dresser un arbre de Noël.

 

Origine et devenir de quelques traditions de Noël :

Le mot crèche dériverait d’un terme du dialecte allemand que parlaient les Francs (le francique) désignant une mangeoire, l’évangile de Luc expliquant, dans son deuxième chapitre, que, faute de place à l’auberge l’enfant mis au monde par Marie avait été placé dans une mangeoire. Par extension, ce terme désigna rapidement les représentations de cet épisode. À l’origine, la crèche est un décor pour les représentations « théâtrales » organisées à l’intérieur puis à l’extérieur des églises où l’on met en scène sous forme de tableaux vivants les différents épisodes de la vie du Christ et particulièrement sa naissance.

On attribue à Saint François d’Assise (religieux italien fin XII ème début XIIIème siècle) la paternité de la première crèche vivante qu’il aurait mise en scène à Noël 1223 à Greccio (un village proche d’Assise dans le centre de l’Italie). Les crèches vivantes étaient très en vogue dans toute l’Europe au Moyen-Âge mais dans le même temps se développaient aussi les crèches constituées de figurines maniables et faciles d’emploi. En France la Révolution interdit les crèches dans les églises, elle fait, du coup, rentrer les crèches dans les maisons, ce qui favorise une nouvelle forme d’art populaire avec la fabrication de petites figurines pittoresques, appelées en Provence « santons » .

Qui place-t-on dans la crèche ? Naturellement Joseph, Marie et l’enfant Jésus mais également d’autres personnages et, parmi ceux-ci, des animaux. La présence de moutons s’explique par la mention, toujours au chapitre 2 de l’évangile de Luc de bergers des environs de Bethléem auxquels un ange serait venu annoncer la naissance d’un sauveur à Bethléem et qui se seraient dépêchés de rendre visite à l’enfant. D’autres animaux prennent également place dans la crèche : le bœuf et l’âne. La mention de ces deux animaux n’est pas présente dans les évangiles canoniques ; elle provient d’un évangile apocryphe l’Évangile de l’enfance (du Pseudo-Matthieu)

Il faut savoir, en effet, que plusieurs récits sur Jésus ont été composés, certains, comme celui-ci, très tardivement (plusieurs siècles après l’époque de Jésus), on les appelle évangiles « apocryphes ». Ils regorgent souvent de surnaturel et de merveilleux et ont plu à un large public. Ils ont parfois donné lieu à des traditions très persistantes comme cette présence du bœuf et de l’âne lors de la nativité (introduite par l’auteur de cet évangile apocryphe en écho à une parole d’Esaïe (1, 3) qui déplorait qu’au contraire du bœuf et de l’âne, qui connaissent leur maître Israël ne se souvienne pas de Dieu). Il a paru bon à cet auteur de placer ces deux animaux, symboles de fidélité dans la crèche. La tradition s’est imposée et nos frères et sœurs catholiques chantent encore souvent lors des veillées de Noël un cantique intitulé « Entre le bœuf et l’âne gris »…

La tradition de la crèche est ancienne et très implantée dans les familles catholiques. Il en est allé différemment dans les régions et les familles touchées par la réforme protestante. Calvin en particulier était très hostile à toute représentation de Dieu. Au chapitre XI du Livre I de son institution de la religion chrétienne, même s’il ne vise pas explicitement les crèches, il condamne très fermement tout ce qu’il appelle « les images » et qui comprennent autant les statues que les peintures, tout ce qui donne à Dieu une forme visible. Historiquement les protestants réformés ont donc préféré renoncer à la crèche. Heureusement, un autre symbole de Noël, arrivé des pays du Nord et de l’Est, est devenu de plus en plus populaire. Il s’agit du sapin de Noël.

Pour la tradition du sapin en tant que telle, l’origine se trouve plutôt en Allemagne et dans les pays Baltes. En Lettonie, on assure que le premier réel sapin de Noël a été érigé et décoré à Riga, la capitale, en 1510.  Pour la France la tradition du sapin de Noël vient d’Alsace. Ainsi, la première mention d’un sapin de Noël coupé pour servir de décoration à Noël date de 1521. Celle-ci est consignée dans les archives de la ville de Sélestat, dans le Bas-Rhin, Un événement religieux a grandement stimulé la tradition du sapin de Noël dans ces régions : la Réforme. Dans les pays et villes protestantes de l’époque, on se débarrassait des statues des saints et de la Vierge, la crèche pouvait passer pour contrevenir à l’interdiction de toute représentation. Dès lors, le sapin de noël est devenu le nouveau symbole des festivités de la naissance de Jésus. Des pays rhénans, la coutume s’est ensuite progressivement répandue dans tous les Pays allemands, en Scandinavie, en Angleterre puis en France. Que de symboles en effet dans le sapin : avec ces épines toujours vertes (contrairement aux autres arbres qui perdent leurs feuilles),  il peut être un signe d’éternité, de victoire sur la mort.

Autrefois donc, les foyers catholiques optaient plutôt pour la crèche et les protestants pour le sapin. Mais qu’en est-il aujourd’hui ? Il y a longtemps que les familles catholiques ont pris l’habitude de décorer également des sapins de Noël. Et chez les protestants ? D’après Marie Lefebvre-Billiez (Réforme.net le 25/12/ 2019) : « A Noël, les crèches fleurissent sous le sapin, même dans des foyers protestants. » Dans nombre de foyers chrétiens les deux traditions sont donc aujourd’hui présentes et on trouve souvent une crèche au pied du sapin.

Personnellement je ne trouve pas cela choquant, Calvin lui-même, s’il s’opposait tant aux images, c’est parce qu’il redoutait qu’elles ne conduisent à l’idolâtrie. Si la statue ou la figurine n’est prise que pour ce qu’elle est, à savoir un signe, un rappel d’une réalité invisible et que l’image ne donne lieu, en elle-même, à aucune adoration, elle est sans danger. Et puis, les chrétiens d’aujourd’hui préfèrent mettre en avant ce qui les rassemble plutôt que ce qui a pu les opposer, particulièrement dans le temps de Noël.  C’est le sens de notre choix aujourd’hui de faire l’essai d’une liturgie commune « luthéro-réformée » pour ce premier culte de l’année que nous avons voulu placer sous le signe de l’union sincère de notre Église (protestante unie) alors qu’en ce mois de janvier sera dédiée une semaine à la prière pour l’unité des chrétiens (de tous les chrétiens et pas seulement les protestants) Je rappelle à cet égard qu’une célébration œcuménique aura lieu le 25 janvier prochain dans notre temple à 19 h 30.

 

Le sens de l’épiphanie :

Aujourd’hui nos frères catholiques célèbrent la fête de l’épiphanie. Ils lisent les écritures que Claudie nous a lues tout à l’heure, particulièrement le chapitre 2 de l’évangile de Matthieu relatant la visite des « mages ». Cette fête, à l’origine fixée au 6 janvier, mais désormais célébrée le premier dimanche de janvier, est bien connue dans toute la société française spécialement à cause du rite de la galette des rois. Si l’on faisait un sondage et qu’on demande à un de nos compatriotes (catholiques ou pas, d’ailleurs) qu’est-ce que l’épiphanie, il y a de fortes chances qu’il vous dise : « c’est le jour où on mange de la galette et où on tire les rois. » Nous verrons que c’est beaucoup plus que cela.

Qu’en est-il de ce rite de la galette ? Mais d’abord pourquoi des rois ?

Il ne vous a pas échappé que notre évangile ne nous dit à aucun moment que ces « mages » (le terme est mieux traduit par « savants », par exemple dans Ze Bible) étaient des rois, ni qu’ils étaient trois (on l’a déduit du fait que sont mentionnés trois cadeaux… La légende n’a cessé d’ajouter des détails jusqu’à donner des noms aux « rois mages », noms mentionnés pour la première fois dans une chronique rédigée au moins cinq siècles après Jésus-Christ (les Excerpta latina Barbari « extraits latins d’un barbare »). Les noms (de Gaspard, Melchior et Balthazar) sont toujours connus aujourd’hui mais pas plus sérieusement attestés que le nom des rennes du Père Noël. Quant à la galette ?

Son origine est clairement païenne. La galette des rois tire, en effet son origine des Saturnales (fêtes romaines situées entre la fin du mois de décembre et le commencement de celui de janvier), durant lesquelles les Romains désignaient un esclave comme « le roi d’un jour ». Ces fêtes Saturnales avaient un caractère nettement carnavalesque favorisant une inversion des rôles censée déjouer les jours néfastes de Saturne, une divinité présentant des aspects inquiétants. Au cours d’un banquet (au début ou à la fin des Saturnales, selon les différentes époques de la Rome antique) au sein de chaque grande familia, les Romains utilisaient la fève (une vraie fève) d’un gâteau comme pour tirer au sort le prince des Saturnales. Ce « roi d’un jour » disposait du pouvoir d’exaucer tous ses désirs pendant la journée (comme donner des ordres à son maître) avant de retourner à sa vie servile. Cela permettait de resserrer les liens domestiques et, comme le carnaval, c’était un moment de grand défoulement. Pour assurer la distribution aléatoire des parts de galette, il était de coutume que le plus jeune se place sous la table et nomme le bénéficiaire de la part qui était désignée par la personne chargée du service. Une coutume que continuent de respecter bien des familles le jour de l’épiphanie. Naturellement la Révolution a tenté d’interdire le gâteau des rois mais la coutume était tellement répandue que la galette est vite revenue. En raison de ses origines païennes, plusieurs protestants, calvinistes ou luthériens, mais aussi certains catholiques se sont opposés à la tradition de la galette qui a tout de même perduré. Aujourd’hui, même si l’épiphanie n’est pas considérée par tout le monde comme une fête dans notre Église, elle est qualifiée par le site « regardsprotestants.com » de « moment fort de l’année ». La tradition de la galette est à l’honneur de nos jours dans les entreprises : sa dégustation est un moment de convivialité qui contribue à détendre les relations de travail et comme nous avons, nous aussi besoin de convivialité dans l’Église, nous avons choisi cette année encore (en dépit de ses origines païennes mais en la reliant au sens chrétien de l’épiphanie) de partager une galette après notre culte et nous vous y attendons nombreux.

 

Un Dieu révélé (et non pas conjecturé) :

Épiphanie signifie « Manifestation » c’est le moment où le Sauveur se manifeste, se révèle au monde. Ce moment particulièrement éminent s’inscrit dans le processus de la Révélation progressive de Dieu à l’homme. Il y a en effet plusieurs façons de « croire en Dieu ». On peut, comme certains philosophes, croire qu’il est probable que Dieu existe et soit à l’origine de l’Univers, (c’est ce que j’appelle le Dieu conjecturé celui dont l’existence peut se prouver par le raisonnement) mais pour ces philosophes cela ne signifie pas que Dieu se soucie de nous, encore moins qu’il s’implique dans nos vies. Nous, chrétiens, au contraire, croyons en un Dieu révélé, un Dieu qui se manifeste à nous et se soucie de nous. La Bible est l’histoire de cette révélation, de cette manifestation de Dieu à l’homme. Une histoire qui commence avec le don de la Loi ou de la Torah par Dieu au peuple d’Israël, par l’intermédiaire de Moïse au Sinaï (Ex, 1, 1-19) d’abord puis au moyen de l’écriture (attribuée à Moïse) des cinq premiers livres de la Bible, appelés Torah par les Juifs. Les mystiques juifs accordent une valeur éminente à la Torah dont les lettres sont censées former le nom complet de Dieu. Pour eux, la Torah a même préexisté à la création et Dieu a créé le monde avec la Torah, au moyen des lettres qui composent l’alphabet hébraïque. De fait, nous lisons dans la Genèse que Dieu crée le monde au moyen du langage : Dieu dit : que la lumière soit et la lumière fut (Gn 1), C’est ce qui permet à l’évangéliste Jean d’écrire dans son Prologue « au commencement la parole existait, la Parole était avec Dieu, la Parole était Dieu ». « Parole » de Dieu, la Torah est aussi « dans son essence première » « la manifestation de la sagesse divine », « le plan spirituel de l’univers » (rabbin Adin Steinsaltz, la Rose aux treize Pétales, p. 102) et « en révélant la Torah à l’homme, Dieu fait davantage que lui donner un manuel de bonne conduite ou même le plan du monde : Dieu s’y donne Soi-même. » (id, p.104).

Que Dieu se donne Soi-même, nous, chrétiens en sommes assurés. Et nous sommes convaincus de le connaître plus intimement encore et de le trouver, non seulement dans un livre (la Bible) et les lettres qui le composent mais dans une personne vivante : Jésus-Christ en qui s’achève et s’accomplit la Révélation. Depuis la venue du Christ (manifestation totale de ce qui peut être connu de Dieu) la loi est écrite pour nous, non pas avec de l’encre ou sur des tablettes de pierre, mais dans nos cœurs, grâce à notre communion en Christ, en qui la Parole s’est faite chair. (cf 2 Co, 3,3) Lors de sa naissance (dans l’intimité) puis lors de son épiphanie devant les bergers (qui représentent le peuple) et les mages (venus de loin et qui représentent tout le monde païen) Dieu révèle sa présence à nos côtés, dans notre histoire et dans nos vies.

 

Envoi :

Les évangiles, vous l’avez bien compris ne sont pas des manuels d’histoire : ils peuvent se contredire sur les dates et les circonstances de la naissance de Jésus, d’où les erreurs de notre calendrier qui fixe l’an 0 probablement 6 ans après l’année de naissance de Jésus Christ. Mais ils ne se trompent pas sur l’essentiel à savoir que Dieu ne nous abandonne pas, qu’Il nous a envoyé un sauveur et nous a offert un instrument de salut qui est l’Évangile. Dans son commentaire de l’épître aux Romains Luther évoque la puissance de l’Évangile.

L’Évangile n’est pas une écriture, n’est pas une lettre morte, mais il est une puissance, une énergie formidable qui sauve celui qui y croit et qui transforme la personne qui y adhère.

Alors que puis-je vous souhaiter pour cette nouvelle année 2024. La santé, bien sûr, et des satisfactions dans tous les domaines. Mais,, en dehors de ces vœux profanes, je vous souhaite surtout d’être capables de ressentir cette présence de Dieu, rendue perceptible directement par Jésus-Christ, dans votre vie. Que Jésus-Christ se révèle de plus en plus à chacun d’entre nous, qu’il nous accompagne chaque jour de cette année, et qu’il se rende présent dans le cœur de nos proches, dans nos cultes et dans la vie de notre Église.

 

Amen.